La planete bleue

J’ouvris la fenêtre. Fit un paquet de nuit et le laissa tomber dans un océan de larmes putréfiées.

Un bang se produisit.

Une planète aux yeux bleus se décongela, déplia ses jambes, marcha vers moi :

« Êtes-vous un désir ? » demandai-je

« Non, je suis une consolation » répondit la planète aux yeux bleus

Elle me planta un couteau dans le cœur.

« Merci, je saurai m’en servir à bon escient.

Je l’aiguiserai les jours de pleine lune ».

Une aile me prit sous elle. Une plume me caressa le nez. Un duvet de tendresse réchauffa la tristesse…

La planète aux yeux bleus me fit un clin d’œil, m’invitant à pénétrer dans sa prunelle. Le trou noir me donna le vertige. L’aile me poussa. Je basculai.

Chute sans fin. Je planai sirène. Je planai enfant. Je planai bulle.

À l’arrivé, mon corps se dispersa. Tous les morceaux voulaient visiter simultanément, cet espace inconnu, nu. Un chat vint renifler ma bouche. Il ronronna la bienvenue, me pétrit les cheveux. Entre ses mâchoires, il tenait l’une de mes mains gesticulantes.

« Où est le cœur de la planète aux yeux bleus ? » demandai-je

« La main vous y conduira » éjacula le chat.

Pour me lever, je cherchai mes jambes. Mais elles étaient parties devant. En roulant, je les suivies.

« Ne vous déplacez pas si vite » me dit un petit œil bleu

Il faut freiner quand on rentre dans l’inconnu, nu »

Mes jambes revinrent vers moi. Nous marchâmes côte à côte. Des petits yeux bleus nous entouraient. Le bleu de prusse mongol. Le bleu marine pompon. Le bleu indigo incognito. Le bleu racine tragique. Le bleu d’auvergne atomique. Le bleu métallique ondulé.

Tous fondirent vers moi. Je bleuissais d’aise sans malaise.

Arrivée près de la falaise, j’étais prête à devenir cette goutte d’eau que but délicatement la planète aux yeux bleus.

Brigitte Deruy/2000

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